Arnošt Goldflam, joyeux défaitiste (Arnošt Goldflam, šťastný defétista, 2014)

Václav Richter. Portrét Arnošta Goldflama.

Natočeno 2014. Premiéra 22. 2. 2014 (ČRo Rádio Prague, 11 min.).

Lit.: Richter, Václav: Arnošt Goldflam, joyeux défaitiste. In web ČRo Radio Prague, 22. 2. 2014 (článek + nahrávka k poslechu). – Cit.: Sa silhouette de bon-vivant trapu est bien connue de tous les amateurs de théâtre tchèque mais dire qu’Arnošt Goldflam n’est qu’un metteur en scène et comédien, ce serait réduire considérablement le rayonnement de son personnage. Son visage barbu au sourire contagieux et son allure pittoresque ont séduit toute une série de réalisateurs qui lui ont confié de nombreux rôles sur grand et petit écrans. Et ce n’est pas tout. Il reste encore une facette importante de sa personnalité complexe, celle d’un homme de lettres. Car Arnošt Goldflam est également un écrivain et dramaturge prolifique qui est lu et apprécié par les lecteurs jeunes et moins jeunes.

Les racines de la famille d’Arnošt Goldflam sont complexes. Son père est né à Vienne, sa mère est originaire de la région de Lvov à l’époque où cette ville faisait encore partie de la Pologne, et dans sa famille se sont donc mariées des influences juives, polonaises, autrichiennes et tchèques. Les Goldflam n’étaient pas une famille juive orthodoxe mais ils n’ont pas échappé au sort dramatique de leur peuple. Cela a laissé une trace profonde dans l’esprit du jeune Arnošt :

« Nous ne pouvons pas nous débarrasser du milieu dans lequel nous avons grandi. Ma mère avec ma grand-mère et ma tante ont été obligées de se cacher pendant la guerre chez des Polonais dans une niche derrière une armoire, mon père a d’abord été déporté dans un camp de concentration puis il a été chassé en Union soviétique et enrôlé dans l’armée tchécoslovaque. Quinze membres de ma famille ont péri pendant la guerre. Mon père et ma mère n’étaient pas des juifs orthodoxes. Ils étaient complètement assimilés à la société tchèque mais, évidemment, ils étaient aussi conscients d’être juifs. Moi, dans mes livres, je ne peux pas m’en débarrasser non plus. J’ai donc écrit le livre intitulé « La douce Theresienstadt » et puis une pièce radiophonique intitulée « Pavel, Pavel et Pavel » qui raconte ce qui arrive quand on perd ses proches. »

 C’est la ville de Brno, capitale de la Moravie, qui est la patrie d’Arnošt Goldflam. Il est né dans cette ville en 1946, donc une année seulement après la fin du cataclysme de la Deuxième Guerre mondiale, et l’expérience de ses parents ayant miraculeusement survécu à la fureur nazie pèsera sur son enfance. Le petit Arnošt aime les livres et la lecture devient sa grande passion. Garçon, il décide déjà de se consacrer à l’art et il tiendra sa promesse. Il exerce d’abord plusieurs métiers et finalement, après des études à la Faculté de théâtre de Brno (JAMU), il s’impose en tant que metteur en scène dans un ensemble d’avant-garde qui deviendra célèbre sous le nom de ‚Hadivadlo’. Ce n’est pourtant qu’une petite troupe qui manque parfois de comédiens et Arnošt Goldflam se voit obliger de jouer, lui aussi, de petits rôles. Bien qu’il considère ses prestations sur scène comme une activité secondaire, il n’en devient pas moins populaire et attire l’attention d’autres metteurs en scène qui lui confieront des rôles dans leurs productions au théâtre, au cinéma et à la télévision. Petit à petit, Arnošt Goldflam devient une vedette d’un genre assez spécial, certes, mais vedette quand même. Souvent il est également auteur des pièces qu’il met en scène et l’écriture l’attire de plus en plus :

« J’ai commencé par écrire des pièces de théâtre. Et puisque les gens me disaient que je savais bien décrire les situations dans mes pièces, j’ai pris un certain plaisir à décrire ces situations aussi par exemple sous forme de conte. Je voulais exprimer tout cela, toute l’action, par des mots. C’est par exemple le cas de mon livre ‘Les destins et leur maître’ ou du recueil de contes « Papa et son fils » inspirés par mon père, mon papa, mais seulement inspirés, tout le reste est fiction. »

L’œuvre littéraire d’Arnošt Goldflam est aussi vaste que variée et sa vie est pour lui une source d’inspiration intarissable. Il dit : « On ne peut créer qu’à partir du matériel qu’on a. Il est difficile d’aller au-delà de vos expériences et de vos connaissances. J’aime évoquer les choses que j’ai observées, que j’ai vécues ou qui ont été vécues par mes proches. » Dans une pièce, il s’inspire par exemple d’une obsession de son enfance. Comme il entendait souvent parler dans la famille des camps de concentration, il était obsédé par l’idée qu’il devait se préparer aux dangers qui pourraient le menacer en temps de guerre. Ce souvenir d’enfance lui a inspiré l’histoire d’un garçon qui cherche obstinément à se préparer au pire et tourmente par sa manie ses parents et ses voisins. Il invente toute sorte d’astuces souvent naïves et absurdes pour se sauver dans des situations critiques.

Aujourd’hui, Arnošt Goldflam est lui-même père de famille. Il a une fille d’un premier mariage qui est déjà adulte, et deux enfants que lui a donnés sa deuxième femme. Son fils Otík a treize ans, et Mimi est une fillette de sept ans :

« Je me suis dit donc que je suis un père assez âgé et si je cassais ma pipe, il faudrait que quelque chose reste après moi. Et cela a eu une évolution chronologique. Quand mon garçon est né, je me suis mis à écrire pour lui des contes de fées. J’ai donc écrit un livre que j’ai intitulé « Papa vaut quand même quelque chose ». Le livre a obtenu un prix littéraire ce qui m’a fait plaisir et m’a inspiré. Et après la naissance de ma fille, j’ai écrit spécialement pour elle un livre intitulé, dans le genre de James Bond, « Papa 002 ». Et puis le garçon a grandi, s’est mis à dédaigner les contes de fées et m’a dit : « Ecris quelque chose de terrifiant, une histoire à suspense.» Alors j’ai écrit le livre « Standa et la maison hantée », qui est une histoire terrifiante et pleine de suspense. »

A un âge de grand-père, Arnošt Goldflam ne perd rien de sa créativité et de son énergie. « Je suis un peu workaholic et graphomane », dit-il. La vie lui apporte toujours de nouvelles impulsions et de nouvelles inspirations. Sa méthode est d’ailleurs assez simple :

« J’ai des petites feuilles dans mon carnet de notes, et quand il me vient une idée, ce qui m’arrive parfois, je l’écris, je la conserve ou je l’épingle sur mon tableau d’affichage pour pouvoir éventuellement l’utiliser un jour. Cela peut être une idée pour écrire un conte, créer un personnage, etc. Et parfois, quand je me mets à écrire, j’ai déjà toute la trame de l’histoire que je veux raconter. Et parfois je n’ai qu’un point de départ et on pourrait dire que mes personnages commencent à vivre indépendamment de moi. »

Dans de tels cas, Arnošt Goldflam ne se considère que comme un scribe qui ne fait que transcrire les histoires de ses personnages. Quoi qu’il en soit, il a déjà signé une quarantaine de pièces de théâtre et de scénarios et il aussi adapté pour le théâtre toute une série d’œuvres d’autres auteurs. Ces romans et contes sont moins nombreux mais il est de plus en plus attiré par l’écriture et a déjà plusieurs projets littéraires qu’il envisage de réaliser. Dans ses livres, il parle souvent des problèmes de famille et réussit à mettre ces situations quotidiennes dans un contexte inattendu, à surprendre son lecteur par de véritables coups de théâtre. La réalité quotidienne revue et corrigée par Arnošt Goldflam prend des allures grotesques, absurdes et parfois tourne à l’horreur.

L’absurdité des situations qu’il évoque lui sert à dévoiler la frustration, le désarroi sentimental ou le désir pathologique de dominer les autres. Dans ses livres pour enfants, les petits héros réussissent à faire des exploits quasi héroïques grâce à leur bon sens, leur esprit et leur persévérance et l’auteur raconte leurs aventures avec de nombreuses allusions spirituelles et humoristiques destinées au lecteur adulte.

Parmi les auteurs qu’Arnošt Goldlam aime et qu’il pourrait lire et relire sans cesse il y a Karel Poláček, Joseph Roth, Franz Kafka, Heimito von Doderer, Bernard Malamud. Il adore les vieux romans chinois et japonais, mais il revient avec autant de plaisir aussi aux contes de fées de son enfance ou aux romans de Jules Verne et aux Trois mousquetaires d’Alexandre Dumas. L’homme qui se caractérise comme « un défaitiste, catastrophiste et pessimiste joyeux », poursuit son travail au théâtre, à la télévision, au cinéma, et continue aussi à écrire. Il a l’ambition d’être le camarade de ses enfants et refuse d’être considéré comme un bon petit vieux, personnage qu’il campe souvent au théâtre ou au cinéma. Il se plaît d’ailleurs à démentir les illusions que son visage et son allure font naître chez ceux qui ne le connaissent pas de près. « Je ne suis pas comme ça, affirme-t-il. Au contraire, je suis toujours agacé et agaçant. Mais je ne proteste pas quand les enfants me prennent pour un bon grand-père. Quand il s’agit des enfants, cela me fait plaisir. »

 

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